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Nineteen Eighty-Four

En juin dernier, j'ai publié sur ce blog une note intitulée "The Circle" dont je recommandais vivement la lecture en anglais ou en version traduite.

J'y citais "Brave New World" (lu deux fois) et "1984" dont le titre en anglais est bien sûr "Nineteen Eighty Four".

En fait, j'avoue qu'à ce moment je n'avais pas encore lu le livre de Georges Orwell !

Dans les années 50/60, il n'était pas dans la bibliothèque de mes parents. Je suis persuadé qu'à l'époque, le début de la guerre froide et, aux USA l'essor du Maccarthysme, ont fait que le roman a été largement récupéré par la droite américaine anticommuniste.

Ma famille, sans être pro-communiste dans ces décennies, était cependant très à gauche et ceci explique l'absence de l'ouvrage.

Plus tard, chez nous, les USA n'avaient pas bonne presse : guerre au Vietnam, soutien aux dictateurs sud-américains, et, quasiment aide à la mise en place du régime Pinochet au Chili. Donc les livres a priori appréciés outre-Atlantique pour leur anticommunisme m'avaient dissuadé.

Mais, s'agissant de l'Union Soviétique, je n'ai jamais eu l'admiration qu'a eue le PCF pour le PCUS (comme les collectes de cadeaux lors des anniversaires de Staline). Je me suis réjoui lors du XXII° congrès du PCF en février 1976 qui, abandonnant le concept de Dictature du Prolétariat, a également marqué ses distances par rapport au "modèle" soviétique.

Et, naturellement, lorsque plus tard Georges Marchais a évoqué le "Bilan globalement positif", je me suis retrouvé avec Jean Ferrat :

Je viens de corriger cette lacune en "dévorant" le livre !

Selon mon habitude, je n'ai lu l'introduction (par un tiers) qu'après avoir terminé le récit. C'est une pratique que je recommande car, ou bien l'introduction est longue est fastidieuse et l'on peut abandonner le tout, ou bien l'introduction en dévoile trop et les effets de surprise du texte sont perdus.

Bref, l'introduction de l'édition anglaise, signée de Thomas Pynchon, est remarquable et nuance considérablement l'a priori droitier que j'ai évoqué plus avant.

En fait, Orwell était un "rebelle", à gauche de la gauche, à gauche du "Labour Party", il était allé combattre en Espagne en 1937 dans les rangs du POUM (Partido Obrero de Unificación Marxista) profondément antisoviétique.[1]

À l'époque, Orwell ne pouvait imaginer à quel point les TIC allaient pouvoir renforcer le contrôle des pouvoirs sur la société. Il n'a pas non plus prévu les nouvelles guerres de religions.

Cela dit, des convergences fortes existent entre Nineteen Eighty-Four, The Circle et l'état désespérant de notre civilisation post démocratique. J'en donne quelques exemples dans la suite.

[1] Voir le film de Ken Loach "Land and Freedom"

Nineteen Eighty Four est un livre terrifiant, comme est terrifiante l'idéologie dominante néolibérale prônée, en particulier dans notre pays mais bien au-delà, par la droite et les social-démocraties finissantes au pouvoir.

Actuellement, les néoconservateurs affirment la fin de l'histoire, le TINA (There is no alternative) de Margaret Thatcher fait flores. Dans son livre, Orwell prévoit non seulement la fin de l'histoire mais aussi l'effacement ou a minima la réécriture du passé. Le travail du héros Winston Smith au Ministère de la Vérité consiste à réécrire les articles des journaux selon les instructions du pouvoir : "The mutability of the past is the central tenet of Ingsoc[1].Past events, it is argued, have no objective existence, but survive only in written records and in human memories. The past is whatever the records and the memories agree upon. And since the Party is in full control of all records, and in equally full control of the minds of its member, it follows that the past is whatever the Party chooses to make it."

Cela me fait penser à la question de la place de l'histoire dans notre système scolaire et aux débats sur cette question.

"À toute époque, les idées de la classe dominante sont les idées dominantes ; autrement dit, la classe qui est la puissance matérielle dominante de la société est en même temps la puissance spirituelle dominante.[2]"

De nos jours, cette constations est sans appel : il suffit d'aller sur les médias, à de rares exceptions près, le discours économique et politique est le même !

Chez Orwell : "Complete uniformity of opinion on all subjects, now existed for the first time".

Quant à la vie privée, menacée par l'usage des TIC aujourd'hui, dans le livre : "Every citizen, or at least every citizen important enough to be worth watching, could be kept for twenty-four hours a day under the eyes of the police and in the sound of official propaganda, with all other channels of communication closed."

Enfin, dans nos sociétés post démocratiques, le pouvoir est objectivement réservé à des "élites" (ENA, Polytechnique, HEC, etc.).

Dans le livre : "The essence of the oligarchical rule is not father-to-son inheritance, but the persistence of a certain world-view and a certain way of life, imposed by the dead upon the living. A ruling group is a ruling group so long as it can nominate its successors. The party is not concerned with perpetuating its blood but with perpetuating itself. Who wields power is not important, provided that the hierarchical structure remains always the same."

Bien entendu, ces quelques exemples visent à donner envie de tout lire et, au-delà d'entreprendre une analyse détaillée en tenant compte de notre présent et futur proche.

Le livre est traduit en français dans la collection folio Gallimard. Hélas l'introduction est beaucoup moins riche que le texte cité de Thomas Pynchon !

Bonnes lectures !

 

[1] Ingsoc : English socialism in Newspeak

[2] « L'Idéologie allemande », Karl Marx, Friedrich Engels (1845)

 

 

 

 

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